Penser n’est pas avoir idées, jouir d’un sentiment, posséder une opinion, penser, c’est attendre en pensée, avoir corps et esprit en accueil.
vendredi 29 mai 2009
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.25
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.25
Penser, parler, n’est pas émettre des idées, les enchaîner, les dérouler -- mais conduire toute la parole jusqu’au seuil et jusqu’à l’envers des mots. Il y a une pensée sous la pensée qui dit toujours : « Va jusqu’où les mots rebroussent chemin. » Aller à la lisière, franchir une rive, passer d’une rive, d’un seuil à l’autre, c’est le mouvement respiratoire profond, le pas, la marche, l’élan de notre esprit […].
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.24
Nous appelons les choses parce qu’elles ne sont pas là, parce que nous ne savons pas leur nom. Si nous appelons les choses, c’est parce qu’elles ne sont pas vraiment là.
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.23
Il y a un voyage de la chair hors du corps humain par la voix, un exit, un exil, un exode et une consumation. Un corps qui s’en va passe par la voix : dans la dépense de la parole, quelque chose de plus vivant que nous se transmet.
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.22
Nous sommes traversés par eux, , nous allons dans l’espace qu’ils traversent ; nous les faisons passer par ici et nous sommes traversés par les logaèdres. Le sens -- c’est à dire la soif d’espace --passe par eux, émane d’eux par ondulations et par rayonnement contradictoire. Les mots émettent l’espace. Il y a une physique surnaturelle de la parole.
Tout le langage est négatif. Il y a une antimatière et on la voit.
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.20
La langue ne saisit rien, elle appelle, -- non pour faire venir mais pour jeter de l’éloignement et que vibre la distance entre tout. Elle prend sans prendre, éloigne-rapproche ; elle maintient au loin et touche.
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.20
[…] la langue […] s’ouvre devant nous comme un champ de force.
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.19
Le langage est le lieu d’apparition de l’espace.
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.18-19
Parler c’est faire l’expérience d’entrer et de sortir de la caverne du corps humain à chaque respiration : il s’ouvre des galeries, des passages non-vus, des raccourcis oubliés, d’autres croisements […].
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.17
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.17
La parole n’est pas un commentaire, une ombre du réel, le monnayage du monde en mots, mais quelque chose venu dans le monde comme pour nous en arracher. La parole ne double pas le monde de mots, mais jette quelque chose à terre.
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.17
Les cris des bêtes désignent, le mot humain nie. Les choses que nous parlons, c’est pour les délivrer de la matière morte.
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.17
La parole est apparue un jour comme un trou dans le monde fait par la bouche humaine -- et la pensée d’abord comme un creux, comme un coup de vide porté à la matière. Notre parole est comme un trou dans la monde et notre bouche comme un appel d’air qui creuse un vide […].
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.16
Le monde est pour nous troué, mis à l’envers, changé en parlant. Tout ce qui prétend être là comme du réel apparent, nous pouvons l’enlever en parlant.
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.16
Ni instruments ni outil, les mots sont la vraie chair humaine et comme le corps de la pensée : la parole nous est plus intérieure que tous nos organes de dedans. Les mots que tu dis sont plus à l’intérieur de toi que toi. Notre chair physique c’est la terre, mais notre chair spirituelle c’est la parole ; elle est l’étoffe, la texture, la tessiture, le tissu, la matière de notre esprit.
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.15
« Qu’est-ce que les mots nous disent à l’intérieur où ils résonnent ? Qu’ils ne sont ni des instruments qui se troquent, ni des outils qu’on prend et qui se jettent, mais qu’ils ont leur mot à dire. »
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.15
« À l’intérieur de nous, au plus profond de nous, est une voie grande ouverte : nous sommes pour ainsi dire troués. »
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.14
Valère NOVARINA, Devant la parole, p.13
« À la fin, nous redeviendrons des animaux : dressés par les images, hébétés par l’échange de tout, redevenus dans mangeurs du monde et une matière pour la mort. La fin de l’histoire est sans parole. »